Je ne puis que souligner tout d’abord l’intérêt de telles manifestations, et on ne saurait trop encourager ces réunions qui établissant un contact entre les différents pays, permettent de canaliser les efforts qui pourraient être divergents et de mettre au point des questions très importantes.
Chacun a fort bien parlé et, bien mieux que moi, les rapports publiés dans ce numéro donneront toutes précisions sur les débats.
Avant de nous séparer, j’ai tenu à poser cette question :
— « L’architecte est-il un artiste ? »
— Oui, m’a-t-il été répondu à l’unanimité.
Dans ce cas, il ne peut être diplômé.
Et j’ai dû constater : qu’aujourd’hui, l’architecte était devenu un petit « salopard », sans aucune importance. Quand on a besoin de ses services, c’est à sa concierge qu’on demande une adresse.
Souvenez-vous pourtant que dans l’Antiquité, l’architecte était le plus haut personnage de l’État après l’Empereur. II s’asseyait à sa droite. De cette dignité, il reste trace dans le titre que porte encore le pape : Pontifex maximus.
D’où vient cette décadence ?
Des grands progrès de la construction qui n’ont pas été suivis par l’architecte et qui font que celui-ci est expulsé de son domaine par l’ingénieur. C’est lui qui a maintenant tout le prestige. Et je vous citerai en passant un exemple :
Dans une famille, si l’un des fils est un brillant élève, on l’envoie à Polytechnique, si l’autre est un crétin, aux Beaux-Arts…
Comment rendre à l’architecte son prestige ?
En formant des techniciens. Celui qui exercera son métier en artiste sera un architecte.
Si la technique est une condition nécessaire, elle n’est cependant pas suffisante. L’art ne s’apprend pas. Toutefois, l’architecte technicien nous donnera au moins des constructions rationnelles et bien bâties. Nous éviterons ainsi les productions des esthètes sans métier qui ont beau jeu aujourd’hui, la puissance de nos moyens techniques permettant la réalisation des pires élucubrations.
Il faut donc créer des écoles techniques, puisque, aujourd’hui, l’architecte est expulsé des trois quarts de son domaine par l’ingénieur. Dans ces écoles, ceux qui se destinent à l’architecture entreraient après avoir fait les études classiques les plus étendues et les plus sévères, sans oublier le latin ni le grec. Et de même qu’à Polytechnique, on étudie toutes les techniques, et on se spécialise par la suite, il devrait y avoir pour les futurs architectes une école supérieure de spécialisation et de perfectionnement, dans laquelle ils étudieraient le passé de l’architecture, et là encore au point de vue technique. Les élèves apprendraient pourquoi et comment les œuvres du passé ont été réalisées, afin qu’ils puissent avec les moyens d’aujourd’hui faire aussi bien, si possible. En un mot, suivre la tradition qui est, à mon avis : faire ce que nos grands ancêtres auraient fait s’ils étaient à notre place.
Je ne puis donc que répéter que l’architecte doit être d’abord un technicien. Cela sans aucun doute, puisque nous voyons les sujets d’élite se diriger vers les écoles techniques. Si ce technicien, ce constructeur exerce son métier avec art, il méritera le titre prestigieux d’architecte.
— L’Architecture d’aujourd’hui, IV, n°8, septembre 1933, p. 5–6