Il y a beaucoup de choses place Saint-Sulpice, par exemple : une mairie , un hôtel des finances , un commissariat de police , trois cafés dont un fait tabac, un cinéma, une église à laquelle ont travaillé Le Vau , Gittard , Oppenord , Servandoni et Chalgrin et qui est dédiée à un aumônier de Clotaire Il qui fut évêque de Bourges de 624 à 644 et que l’on fête le 17 janvier, un éditeur , une entreprise de pompes funèbres, une agence de voyages, un arrêt d’ autobus , un tailleur, un hôtel , une fontaine que décorent les statues des quatre grands orateurs chrétiens ( Bossuet , Fénelon , Fléchier et Massillon ) , un kiosque à journaux, un marchand d’objets de piété , un parking, un institut de beauté, et bien d’autres choses encore.
Un grand nombre, sinon la plupart, de ces choses ont été décrites inventoriées, photographiées, racontées ou recensées. Mon propos dans les pages qui suivent a plutôt été de décrire le reste : ce que l’on ne note généralement pas, ce qui ne se remarque pas, ce qui n’a pas d’importance : ce qui se passe quand il ne se passe rien, sinon du temps, des gens, des voitures et des nuages .
1
La date : 18 octobre 1974
L’heure 10 h. 30
Le lieu Tabac Saint-Sulpice
Le temps : Froid sec. Ciel gris. Quelques éclaircies.
Esquisse d’un inventaire de quelques-unes des choses strictement visibles :
— Des lettres de l’alphabet, des mots « KLM » (sur la pochette d’un promeneur), un « P » majuscule qui signifie « parking » « Hôtel Récamier », « St-Raphaël », « l’épargne à la dérive », « Taxis tête de station », « Rue du Vieux-Colombier », «Brasserie-bar La Fontaine Saint-Sulpice », « P ELF », «Parc SaintSulpice ».
— Des symboles conventionnels : des flèches , sous le « P » des parkings, l’une légèrement pointée vers le sol, l’autre orientée en direction de la rue Bonaparte (côté Luxembourg ), au moins quatre panneaux de sens interdit (un cinquième en reflet dans une des glaces du café).
— Des chiffres : 86 (au sommet d’un autobus de la ligne no 86, surmontant l’indication du lieu où il se rend : S aint-Germain-desPrés ) , 1 (plaque du no 1 de la rue du Vieux-Colombier ), 6 (sur la place indiquant que nous nous trouvons dans le 6e arrondissement de Paris).
— Des slogans fugitifs : « De l’ autobus , je regarde Paris »
— De la terre : du gravier tassé et du sable.
— De la pierre : la bordure des trottoirs, une fontaine , une église , des maisons…
— De l’asphalte
— Des arbres ( feuilles, souvent jaunissants )
— Un morceau assez grand de ciel (peut-être 1/6e de mon champ visuel)
— Une nuée de pigeons qui s’abat soudain sur le terre-plein central, entre l’église et la fontaine
— Des véhicules (leur inventaire reste à faire)
— Des êtres humains
— Une espèce de basset
— Un pain (baguette)
— Une salade (frisée ?) débordant partiellement d’un cabas
Trajectoires:
Le 96 va à la gare Montparnasse
Le 84 va à la porte de Champerret
Le 70 va Place du Dr Hayem , Maison de
l’O.R.T.F.
Le 86 va à Saint-Germain-desPrés
Exigez le Roquefort Société le vrai dans son ovale vert
Aucune eau ne jaillit de la fontaine. Des pigeons se sont posés sur le rebord d’une de ses vasques.
Sur le terre-plein, il y a des bancs, des bancs doubles avec un dosseret unique. Je peux, de ma place, en compter jusqu’à six. Quatre sont vides. Trois clochards aux gestes classiques (boire du rouge à la bouteille) sur le sixième.
Le 63 va à la Porte de la Muette
Le 86 va à Saint-Germain-des-Prés
Nettoyer c’est bien ne pas salir c’est mieux
Un car allemand
Une fourgonnette Brinks
Le 87 va au Champ-de-Mars
Le 84 va à la porte de Champerret
Couleurs :
rouge ( Fiat, robe, St-Raphaël, sens uniques )
sac bleu
chaussures vertes
imperméable vert
taxi bleu
deux-chevaux bleue
Le 70 va à la Place du Dr Hayem , Maison de l’O.R.T.F.
méhari verte
Le 86 vaà Saint-Germain-desPrés : Yoghourts et desserts
Exigez le Roquefort Société le vrai dans son ovale vert
La plupart des gens ont au moins une main occupée : ils tiennent un sac, une petite valise, un cabas, une canne, une laisse au bout de laquelle il y a un chien , la main d’un enfant.
Un camion livre de la bière en tonneaux de métal ( Kanterbraü , la bière de Maître Kanter)
Le 86 va à Saint-Germain-desPrés
Le 63 va à la Porte de la Muette
Un car « Cityrama » à deux étages
Un camion bleu de marque mercédès
Un camion brun Printemps Brummell
Le 84 va à la porte de Champerret
Le 87 va au Champ-de-Mars
Le 70 va Place du Dr Hayem , Maison de l’O.R.T.F.
Le 96 va à la G are Montparnasse
Darty Réal
Le 63 va à la Porte de la Muette
Casimir maître traiteur. Transports Charpentier.
Berth France S.A.R.L.
Le Goff tirage à bière
Le 96 va à la G are Montparnasse
Auto-école
venant de la rue du Vieux-Colombier , un 84 tourne dans la rue Bonaparte (en direction du Luxembourg )
Walon déménagements
Fernand Carrascossa déménagements
Pommes de terre en gros
D’un car de touristes une Japonaise semble me photographier.
Un vieil homme avec sa demi-baguette, une dame avec un paquet de gâteaux en forme de petite pyramide
Le 86 va à Saint-Mandé (il ne tourne pas dans la rue Bonaparte , mais il prend la rue du Vieux-Colombier )
Le 63 va à la Porte de la Muette
Le 87 va au Champ-de-Mars
Le 70 va Place du Dr Hayem , Maison de l’O.R.T.F.
Venant de la rue du Vieux-Colombier , un 84 tourne dans la rue Bonaparte (en direction du Luxembourg )
Un car, vide.
D’autres Japonais dans un autre car
Le 86 va à Saint-Germain-desPrés
Braun reproductions d’art
Accalmie (lassitude ?)
Pause.
2
La date : 18 octobre 1974
L’heure 12 h. 40
Le lieu Café de la Mairie
Plusieurs dizaines, plusieurs centaines d’actions simultanées, de micro-événements dont chacun implique des postures , des actes moteurs , des dépenses d’énergie spécifiques : discussions à deux , discussions à trois, discussions à plusieurs : le mouvement des lèvres, les gestes , les mimiques expressives
modes de locomotion : marche, véhicule à deux roues (sans moteur, à moteur), automobiles ( voitures privées, voitures de firmes, voitures de louage, auto-école), véhicules utilitaires, services publics, transports en communs , cars de touristes
modes de portage (à.la main, sous le bras , sur le dos )
modes de traction (cabas à roulettes)
degrés de détermination ou de motivation attendre , flâner , traîner , errer , aller, courir vers, se précipiter (vers un taxi libre, par exemple), chercher , musarder, hésiter, marcher d’un pas décidé positions du corps : être assis (dans les autobus , dans les voitures , dans les cafés, sur les banc s ) être debout (près des arrêts d’ autobus , devant une vitrine (Laffont, pompes funèbres), à côté d’un taxi (le payant)
Trois personnes attendent près de l’arrêt des taxis. Il y a deux taxis, leurs chauffeurs sont absents (taxis capuchonnés)
Tous les pigeons se sont réfugiés sur la gouttière de la mairie.
Un 96 passe. Un 87 passe. Un 86 passe. Un 70 passe. Un camion « Grenelle Interlinge » passe.
Accalmie. Il n’y a personne à l’arrêt des autobus .
Un 63 passe. Un 96 passe
Une jeune femme est assise sur un banc , en face de la galerie de tapisseries « La demeure » elle fume une cigarette.
Il y a trois vélomoteurs garés sur le trottoir devant le café.
Un 86 passe. Un 70 passe.
Des voitures s’engouffrent dans le parking
Un 63 passe. Un 87 passe.
Il est une heure cinq. Une femme traverse en courant le parvis de l’église .
Un livreur en blouse blanche sort de sa camionnette garée devant le café des glaces (alimentaires) qu’il va livrer rue des Canettes.
Une femme tient une baguette à la main
Un 70 passe (c’est seulement par hasard, de la place que j’occupe, que je peux voir passer, à l’autre bout, des 84 )
Les automobiles suivent des axes de circulation évidemment privilégiés ( sens unique , pour moi, de gauche à droite) ; c’est beaucoup moins sensible pour les piétons : il semblerait que la plupart vont rue des Canettes ou en viennent.
Un 96 passe.
Un 86 passe. Un 87 passe. Un 63 passe
Des gens trébuchent. Micro-accidents.
Un 96 passe. Un 70 passe.
Il est une heure vingt.
Retour (aléatoire) d’individus déjà vus : un jeune garçon en caban bleu marine tenant à la main une pochette plastique repasse devant le café
Un 86 passe. Un 86 passe. Un 63 passe.
Le café est plein
Sur le terre-plein un enfant fait courir son chien (genre Milou )
Juste en bordure du café, au pied de la vitrine et en trois emplacements différents, un homme, plutôt jeune, dessine à la craie sur le trottoir une sorte de « V » à l’intérieur duquel s’ébauche une manière de point d’interrogation ( land-art ?)
Un 63 passe
6 égouttiers (casques et cuissardes) prennent la rue des Canettes .
Deux taxis libres à l’arrêt des taxis, un 87 passe
Un aveugle venant de la rue des Canettes passe devant le café ; c’est un homme jeune, à la démarche assez assurée.
Un 86 passe
Deux hommes à pipes et sacoches noires
Un homme à sacoche noire sans pipe
Une femme en veste de laine, hilare
Un 96
Un autre 96
( talons hauts : chevilles tordues )
Une deux-chevaux vertpomme.
Un 63
Un 70
Il est 13 h. 35 . Des groupes, par bouffées. Un 63 . La deux-chevaux vertpomme est maintenant garée presque au coin de la rue Férou, de l’autre côté du parvis. Un 70. Un 87. Un 86. Trois taxis à l’arrêt des taxis. Un 96. Un 63. Un cycliste télégraphiste. Des livreurs de boissons. Un 86. Une petite fille avec un cartable sur les épaules.
Pommes de terre en gros. Une dame menant trois enfants à l’école (deux d’entre eux ont de longs bonnets rouge s à pompons)
Il y a une camionnette de croque-morts devant l’église.
Passe un 96.
Des gens se rassemblent devant l’église (rassemblement du convoi ?)
Un 87. Un 70. Un 63.
Rue Bonaparte , une bétonneuse, orange .
Un chien basset . Un homme à noeud papillon . Un 86.
Le vent fait bouger les feuilles des arbres.
Un 70.
Il est treize heures cinquante.
Messageries S.N.C.F.
Les gens de l’enterrement sont entrés dans l’église
Passage d’une voiture auto-école, d’un 96, d ‘un 63, d’une camionnette de fleuriste, bleu e , qui va se ranger à côté de la camionnette des pompes funèbres et de laquelle on sort une couronne mortuaire.
Avec un magnifique ensemble, les pigeons font le tour de la place et reviennent se poser sur la gouttière
de la mairie.
Il y a cinq taxis à l’arrêt des taxis. Passe un 87, passe un 63.
La cloche de Saint-Sulpice se met à sonner (le tocsin, sans doute)
Trois enfants menés à l’école. Une autre deux-chevaux vertpomme .
De nouveau les pigeons font un tour de place
Un 96 passe, s’arrête devant l’arrêt des autobus (section Saint-Sulpice) ; en descend Geneviève Serreau
qui emprunte la rue des Canettes ; je l’appelle en frappant à la vitre et elle vient me dire bonjour.
Un 70 passe.
Le tocsin s’arrête.
Une jeune fille mange la moitié d’un palmier . Un homme à pipe et sacoche noire.
Un 70 passe
Un 63 passe
Il est deux heures cinq . Un 87 passe.
Des gens, par paquets, toujours et encore
Un curé qui revient de voyage (il y a une étiquette de compagnie aérienne qui pend à sa sacoche).
Un enfant fait glisser un modèle réduit de voiture sur la vitre du café (petit bruit)
Un homme s’arrête une seconde pour dire bonjour au gros chien du café, paisiblement étendu devant la
porte
Un 86 passe
Un 63 passe
Une femme passe. Sur son sac il y a écrit
« Gudule »
Presque devant le café, un homme s’accroupit pour fouiller dans sa serviette
Un 86 passe
Un jeune homme passe; il porte un grand carton à dessins
Il n’y a plus que deux vélomoteurs garés sur le trottoir devant le café : je n’ai pas vu le troisième partir (c’était un vélosolex ) (Limites évidentes d’une telle entreprise : même en me fixant comme seul but de regarder, je ne vois pas ce qui se passe à quelques mètres de moi je ne remarque pas, par exemple, que des voitures se garent)
Un homme passe : il tire une charrette à bras, rouge .
Un 70 passe.
Un homme regarde la vitrine de Laffont
En face de « La Demeure » une femme attend, debout près d’un banc.
Au milieu de la rue, un homme guette les taxis (il n’y a plus de taxi à l’arrêt des taxis)
Un 86 passe. Un 96 passe. Un livreur de « Tonygencyl » passe.
Malissard Dubernay transports rapides passe.
De nouveau les pigeons font un tour de place. Qu’est-ce qui déclenche ce mouvement d’ensemble; il ne semble lié ni à un stimulus extérieur (explosion, détonation, changement de lumière, pluie, etc.) ni à une
motivation particulière ; cela ressemble à quelque chose de tout à fait gratuit : les oiseaux s’envolent tout à coup, font un tour de place et reviennent se poser sur la gouttière de la mairie.
Il est deux heures vingt.
Un 96. Des femmes élégantes . Un Japonais absent, puis un autre, hilare, demandent à un passant leur chemin. Il leur montre du doigt la rue des Canettes , qu’ils empruntent aussitôt.
Passage d’un 63, d’un 87 et d’une camionnette « Dunod éditeur ».
Près de l’arrêt des bus, une femme timbre trois lettres et les dépose dans la boîte aux lettres.
Petit chien genre caniche .
Une sorte de sosie de Peters Sellers , l’air très content de lui, passe devant le café. Puis une femme avec deux tout jeunes enfants . Puis un groupe de 14 femmes venant de la rue des Canettes .
J’ai l’impression que la place est presque vide (mais il y a au moins vingt êtres humains dans mon champ visuel).
Un 63.
Une camionnette des postes .
Un enfant avec un chien
Un homme avec un journal
Un homme qui a un grand « A » sur son chandail Un camion « Que sais-je ? » : « La collection « Que sais-je » a réponse à tout »
Un épagneul ?
Un 70
Un 96
On sort de l’église les couronnes mortuaires . Il est 2 heures et demie.
Passent un 63, un 87, un 86, un autre 86 et un 96.
Une vieille femme met sa main en visière pour voir quel est le numéro de l’autobus qui arrive (je peux déduire de son air décu qu’elle voudrait prendre le 70)
On sort la bière. Le tocsin se remet à sonner.
Le fourgon mortuaire s’en va, suivi d’une 204 et d’une méhari vert e.
Un 87
Un 63
Le tocsin s’arrête
Un 96
Il est trois heures moins le quart.
Pause.
3
La date 18 octobre 1974
L’heure : 15 h. 20
Le lieu : Fontaine Saint-Sulpice (café)
Plus tard, je suis allé au tabac Saint-Sulpice. Je suis monté, au premier, une salle triste, plutôt froide, occupée seulement par un quintette de bridgeurs dont quatre étaient en train de jouer trois trèfles . Je suis
redescendu m’installer à la table que j’avais occupé le matin. J’ai mangé une paire de saucisses en buvant un ballon de bourgueil .
J’ai revu des autobus , des taxis, des voitures particulières, des cars de touristes , des camions et des camionnettes , des vélos, des vélomoteurs , des vespas, des motos , un triporteur des postes , une moto-école, une auto-école, des élégantes , des vieux beaux, des vieux couples, des bandes d’enfants, des gens à sacs, à sacoches, à valises, à chiens , à pipes , à parapluies , à bedaines , des vieilles peaux , des vieux cons , des jeunes cons , des flaneurs, des livreurs, des renfrognés, des discoureurs . J’ai aussi vu Jean-Paul Aron , et le patron du restaurant « Les trois canettes » que j’avais déjà aperçu le matin.
Je suis maintenant à la Fontaine St-Sulpice, assis de telle façon que je tourne le dos à la place : les voitures et les gens que mon regard découvre viennent de la place ou s’apprêtent à la traverser (à l’exception de quelques piétons qui peuvent venir de la rue Bonaparte ) .
Plusieurs grands-mères gantées ont poussé des landaus
On prépare la journée nationale des personnes âgées . Une dame de 83 ans est entrée, elle a présenté son tronc au patron du café, mais est ressortie sans nous le tendre.
Sur le trottoir, il v a un homme secoué, mais pas encore ravagé, de tics (mouvements de l’épaule comme s’il éprouvait une démangeaison continuelle dans le cou) ; il tient sa cigarette de la même facon que moi (entre le medius et l’annulaire) : c’est la première fois que je retrouve chez un autre cette habitude.
Paris-Vision : c’est un car à deux étages, guère plein.
Il est quatre heures cinq . Lassitude des yeux. Lassitude des mots.
Une deux-chevaux vertpomme .
(j’ai froid ; je commande un vieux marc, très doux )
En face, au tabac, les bridgeurs de la salle du premier se donnent un peu d’air
Un flic à vélo gare son vélo et entre dans le tabac ; il en ressort presque aussitôt, on ne sait pas ce qu’il a acheté (des cigarettes ? un stylo à bille , un timbre , des cachous , un paquet de mouchoirs en papier ?)
Car Cityrama
Un motard. Une camionnette citroën vertpomme .
On entend des appels impératifs de klaxons .
Une grand-mère poussant un landau ; elle porte une cape
Un facteur avec sa sacoche
Un vélo de course fixé sur l’arrière d’une voiture surbaissée
Un triporteur des postes , une camionnette des postes (est-ce l’heure de la relève des boîtes aux lettres ?)
Il y a des gens qui lisent en marchant, il y en a peu, mais il y en a.
Une méhari verte
Un bébé dans un landau émet un bref piaillement. Il ressemble à un oiseau : yeux bleu s, fixes, prodigieusement intéressés par ce qu’ils découvrent.
Un contractuel coquelucheux met une contravention à une Morris verte
Un homme porte une chapka d’astrakan. Puis un autre .
Un petit garçon porte une casquette d’écolier anglais ; il traverse en veillant à ne marcher que sur les clous.
Un facteur à sacoche
Deux aubergines toniques
Deux frères chiens genre Milou
Un homme à béret genre curé. Une femme en châle
Une grand-mère à landau
Un hommeà chapka (c’est le même, il revient) Un curé à béret (un autre)
Capes, turbans, bottes, casquette genre marin, écharpes, courtes ou longues, agent à képi , fourrures, valises, parapluie
Un télégraphiste à vélo
Un couple d’Anglais (ils entrent dans le café en causant leur idiome ) : son manteau est aussi long que lui)
Une fille à courtes nattes dévorant un baba (est-ce un baba ? ça ressemble à un baba )
Une femme avec une baguette. Une autre. Il est cinq heures moins le quart . J’ai envie de me changer les idées. Lire « le Monde». Changer de crémerie.
Pause.
4
La date : 18 octobre 1974
L’heure : 17 h. 10
Le lieu : Café de la mairie
Le kiosque à journaux était fermé ; je n’ai pas trouvé « le Monde». ; j’ai accompli un minuscule circuit ( rue des Canettes , rue du Four, rue Bonaparte ) : belles oisives envahissant des magasins de mode. R ue Bonaparte , j’ai regardé quelques titres de livres soldés, quelques devantures (mobilier ancien ou moderne, livres anciens, dessins et gravures)
Il fait froid, de plus en plus me semble-t-il
Je suis assis au Café de la Mairie , un tout petit peu en retrait par rapport à la terrasse
Passe un 86 il est vide
Passe un 70 il est plein
Passe, de nouveau, Jean-Paul Aron : il tousse
Un groupe d’enfants joue au ballon devant l’église .
Passe un 70 plutôt vide Passe un 63 presque plein
(pourquoi compter les autobus ? sans doute parce qu’ils sont reconnaissables et réguliers : ils découpent le temps, ils rythment le bruit de fond ; à la limite ils sont prévisibles.
Le reste semble aléatoire, improbable, anarchique ; les autobus passent parce qu’ils doivent passer, mais rien ne veut qu’une voiture fasse marche arrière, ou qu’un homme ait un sac marqué du grand « M » de Monoprix , ou qu’une voiture soit bleu e ou vertpomme , ou qu’un consommateur commande un café plutôt qu’un et demi)
Passe un 96 il est presque vide
Le « P » du parking et sa flèche s’allument. Dans les étages de l ‘ hôtel des finances , des globes lumineux sont maintenant visibles
Passe un 70 il est plein
Passe un 63 il l’est peu
Les motocyclettes et les vélomoteurs allument leurs phares
Les clignotants deviennent visibles et plus visibles aussi les voyants des taxis, plus brillants
quand ils sont libres
Passe un 86 presque plein
Passe un 63 presque vide
Passe un 96 plutôt plein
Passe un 87 plutôt plein
(appliquer aux autobus la théorie des vases communicants)
Il est 17 h. 50
Une bétonneuse rouge et bleu e, un Pyrénées taxis transports.
Passe un 96 il est plein
Passe un 86 il est absolument vide (seulement le chauffeur)
Passe un 63 presque vide
Passe un papa poussant poussette
Modifications de la lumière du jour
Un 87 quasi vide, un 86 à moitié plein
Les enfants jouent sous les piliers de l’église .
Un beau chien blanc taché de noir
Une lumière à un immeuble (est-ce l’ hôtel Récamier ?)
Un 96 quasi vide
Du vent
Un 63 plein, un 70 presque plein, un 63 presque plein
Un homme entre dans le café, se plante devant un consommateur qui se lève aussitôt et va pour régler sa consommation ; mais il n’a pas de petite monnaie et c’est l’autre qui paie. Ils sortent ensemble.
Un homme veut entrer dans le café ; mais il commence par tirer la porte au lieu de la pousser
Fantomatismes
Passe un 70 plein
(fatigue)
Passe un 96 à moitié plein
De nouvelles lumières s’allument dans le café.
Dehors le crépuscule bat son plein
Passe un 63 il est plein
Passe un homme poussant son solex
Passe un 70 il est plein
Passe un 96 à moitié plein
Passent les oeufs extra frais NB
Il est six heures moins cinq
D’une camionnette bleu e un homme a sorti un diable qu’il a chargé de divers produits d’entretien et qu’il a poussé rue des Canettes . Dehors on ne distingue pratiquement plus les visages
Les couleurs fondent : grisaille rarement éclairée. Taches jaunes . Rougeoiments .
Passe un 96 presque vide
Passe un car de police qui tourne devant le parvis de l’église
Passe un 86 vide, un 87 modérément plein
Les cloches de Saint-Sulpice se mettent à sonner Un 70 plein, un 96 vide, un autre 96 encore plus vide
Des parapluies ouverts
Les véhicules automobiles allument leurs phares Un 96 peu rempli, un 63 plein
Le vent semble souffler en rafales, mais peu de voitures font fonctionner leurs essuie-glaces
Les cloches de Saint-Sulpice s’arrêtent de sonner (était-ce les vêpres ?)
Passe un 63 presque vide
La nuit, l’hiver : aspect irréel des passants Un homme qui porte des tapis
Beaucoup de monde, beaucoup (l’ombres, un 63 vide ; le sol est luisant, un 70 plein, la pluie semble plus forte. Il est six heures dix. ( coups de klaxons ; début d’ embouteillage c’est à peine si je peux voir l’église , par contre, je vois presque tout le café ( et moi-même écrivant ) en reflet dans ses propres vitres.
L’ embouteillage s’est dissous
Les phares seuls signalent le passage des voitures
Les lampadaires s’allument progressivement
Tout au fond ( hôtel Récamier ?) il y a maintenant plusieurs fenêtres allumées
Passe un 87 presque plein
Passe un homme qui porte un cadre
Passe un homme qui porte une planche
Passe un car de police sa lampe bleu e tournoyante
Passent un 87 vide, un 70 plein, un 87 vide
Des gens courent
Passe un homme qui porte une maquette d’architecte (est-ce vraiment une maquette d’architecte ? ça ressemble à l’idée que je me fais d’une maquette d’architecte ; je ne vois pas ce que ça pourrait être d’autre).
Passe une bétonneuse orange , un 86 presque vide, un 70 plein, un 86 vide
Ombres indistinctes
Un 96 plein
(Peut-être ai-je seulement aujourd’hui découvert ma vocation : contrôleur de lignes à la R.A.T.P.)
Il est 18 h. 45
passent des ouatures
Une camionnette jaune , des postes s’arrête devant la boîte aux lettres qu’un postier déleste de son double contenu (Paris/Hors-Paris, banlieue comprise)
Il pleut toujours je bois une gentiane de Salers.
II
5
La date 19 octobre 1974 (samedi)
L’heure 10 h. 45
Le lieu : Tabac Saint-Sulpice
Le temps : Pluie fine, genre bruine Passage d’un balayeur de caniveaux
Par rapport à la veille, qu’y a-t-il de changé ? Au premier abord, c’est vraiment pareil. Peut-être le ciel est-il plus nuageux ? Ce serait vraiment du parti pris de dire qu’il y a, par exemple, moins de gens ou moins de voitures. On ne voit pas d ‘ oiseau. Il y a un chien sur le terre-plein. Au-dessus de l’ Hôtel Récamier (loin derrière ?) se détache dans le ciel une grue (elle y était hier, mais je ne me souviens plus l’avoir noté). Je ne saurais dire si les gens que l’on voit sont les mêmes qu’hier, si les voitures sont les mêmes qu’hier ? Par contre, si les oiseaux ( pigeons ) venaient (et pourquoi ne viendraient-ils pas) je serais sûr que ce seraient les mêmes.
Beaucoup de choses n’ont pas changé, n’ont apparemment pas bougé (les lettres, les symboles, la fontaine , le terre-plein, les banc s, l’église , etc.) ; moi-même je me suis assis à la même table.
Des autobus passent. Je m’en désintéresse complètement.
Le Café de la Mairie est fermé. Le kiosque à journaux aussi (il n’ouvrira que lundi)
(il me semble avoir vu passer Duvignaud , se dirigeant vers le parking)
Passe une ambulance pimponnante, puis une dépanneuse remorquant une D.S. bleue.
Plusieurs femmes traînent des cabas à roulettes
Arrivent les pigeons ; ils me semblent moins nombreux qu’hier
Afflux de foules humaines ou voiturières. Accalmies. Alternances.
Deux « Coches Parisiens » sortes de cars à plates-formes passent avec leurs cargaisons de Japonais photophages
Un car Cityrama (des Allemands ? des Japonais ‘?)
La pluie s’est arrêtée très vite ; il y a même eu pendant quelques secondes un vague rayon de soleil .
Il est 11 heures et quart
A la recherche d’une différence
Le Café de la Mairie est fermé (je ne le vois pas ; je le sais parce que je l’ai vu en descendant de l’ autobus )
Je bois un Vittel alors que hier je buvais un café (en quoi cela transforme-t-il la Place ?)
Le plat du jour de la Fontaine St-Sulpice a-t-il changé (hier c’était du cabillaud ) ? Sans doute, mais je suis trop loin pour déchiffrer ce qu’il y a écrit sur l’ardoise où on l’annonce.
Deux cars de touristes , le second s’appelle« Walz Reisen ») : les touristes d’aujourd’hui jeuvent-ils être les mêmes que les touristes d’hier (un homme qui fait le tour de Paris en car un vendredi a-t-il envie de le refaire le samedi ?)
Hier il y avait sur le trottoir, juste devant ma table, un ticket de métro ; aujourd’hui il y a, pas tout à fait au même endroit, une enveloppe de bonbon ( cellophane ) et un bout de papier diflicilement identifiable (à peu près grand comme un emballage de « Parisiennes » mais d’un bleu beaucoup plus clair).
Passe une petite fille avec un long bonnet rouge à pompon (je l’ai déjà vue hier, mais hier elles étaient deux) ; sa mère a une jupe longue faite de bandes de tissus cousues ensemble (pas vraiment du patchwork )
Un pigeon se perche au sommet d’un lampadaire des gens entrent dans l’église (est-ce pour la visiter ? Est-ce l’heure de la messe)
Un promeneur qui ressemble assez vaguement à Michel Mohrt repasse devant le café et semble s’étonner de me voir encore attablé devant un Vittel et des feuillets
Un car : « Percival Tours »
D’autres gens entrent dans l’église
Les cars de touristes n’adoptent pas tous la même stratégie : tous viennent du Luxembourg par la rue Bonaparte ; certains continuent dans la rue Bonaparte ; d’autres tournent dans la rue du Vieux-Colombier : cette différence ne correspond pas toujours à la nationalité des touristes.
Car ” Wehner Reisen ”
Car de flics.
Pause
6
19 octobre 1974
L’heure : 12 h. 30
Le lieu : Sur un banc en plein soleil, au milieu des pigeons , regardant dans la direction de la fontaine (bruits de la circulation derrière)
Le temps : Le ciel s’est tout à coup dégagé.
Les pigeons sont quasi immobiles. Il est cependant difficile de les dénombrer (200, petit-être) ; plusieurs sont couchés, les pattes repliées. c’est l’heure de leur toilette (avec leur bec, ils s’épluchent le jabot ou les
ailes) ; quelques-uns se sont perchés sur le rebord de la troisième vasque de la fontaine . Des gens sortent de l’église .
.J’entends parfois des coups de klaxons . La circulation est ce que l’on appelle fluide. Nous sommes quatre sur quatre bancs. Le soleil est un instant caché par un nuage . Deux touristes photographient la fontaine . Passe un car Paris-Vision à deux étages. Des pigeons se lavent dans la fontaine (les vasques sont pleines d’eau, mais les gueules de lion ne lancent aucun jet d’eau) ; ils s’éclaboussent et en sortent tout ébouriffés.
Les pigeons à mes pieds ont un regard fixe. Les gens qui les regardent aussi.
Le soleil s’est caché. Il y a du vent.
7
La date 19 octobre 1974
L’heure : 14 heures
Le lieu : Tabac Saint-Sulpice
Passage de Paul Virilio : il va voir Gatsby le dégueulasse au Bonaparte.
Je suis assis ici, sans écrire, depuis une heure moins le quart ; j’ai mangé un sandwich au saucisson en buvant un ballon de bourgueil . Puis des cafés. A côté de moi une demi-douzaine de marchands de prêts-à-porter jacassent , satisfaits de leurs petites affaires. Je regarde d’un oeil torve le passage des oiseaux , des êtres et des véhicules .
Le café est bondé
Une lointaine connaissance (amie d’amie, amie d’amie d’amie) est passée dans la rue, est venue me dire bonjour, a pris un café.
Passe un car Paris-Vision . Les touristes ont des écouteurs
Le ciel est gris. Éclaircies éphémères . Lassitude de la vision : hantise des deux-chevaux vertpomme .
Curiosité inassouvie (ce que je suis venu chercher, le souvenir qui flotte dans ce café …) chevaux bleues
Quelle différence y a-t-il entre un conducteur qui se gare du premier coup et un autre (” 90 “) qui n’y parvient qu’au bout de plusieurs minutes de laborieux efforts ? Cela suscite l’éveil, l’ironie, la participation de l’assistance : ne pas voir les seules déchirures, mais le tissu (mais comment voir le tissu si ce sont seulement les déchirures qui le font apparaître : personne ne voit jamais passer les autobus , sauf s’il en
attend un, ou s’il attend quelqu’un qui va en descendre, ou si la R.A.T.P . l’appointe pour les dénombrer… )
De même : pourquoi deux bonnes soeurs sont-elles plus intéressantes que deux autres passants ? Passe un homme, le cou pris dans une minerve Passe une femme ; elle mange une part de tarte .
Un couple s’approche de son Autobianchi Abarth rangée le long du trottoir. La femme mord dans une tartelette .
Il y a beaucoup d’enfants.
Un homme qui vient de garer sa voiture à la place de l’ Autobianchi la regarde comme s’il ne la reconnaissait pas.
Une voiture bleue , une jaune , deux deux-chevaux bleue.
A l’arrêt des taxis, il n’y a qu’un seul taxi. Le chaffeur a ouvert son coffre.
Les pigeons font un tour de place.
Le café est presque vide.
Passe une jeune fille; elle porte une raquette de tennis sous le bras ( dans une housse en tissu où l’on peut aussi ranger les balles )
Une deux-chevaux vert-pomme
Une poussette
Un cabas à roulettes.
Un groupe de scouts avec sacs à dos entre dans l’église.
Passe une auto-école
D’une façon purement abstraite, on pourrait proposer le théorème suivant : en un même laps de temps, davantage d’individus marchent dans la direction Saint-Sulpice/rue de Rennes que dans la direction rue de Rennes/Saint-Sulpice.
Plusieurs femmes en camaieus de verts .
Les scouts quittent Saint-Sulpice en file hindoue.
L’un d’eux qui est venu jusqu’ici téléphoner les rejoint en courant ; il grimpe les escaliers de l’église et les redescend quatre à quatre, portant son sac à dos et le fanion de la patrouille (j’ai quand même une bonne
vue)
L’agent de police no 5976 va et vient dans la rue du Vieux-Colombier . il offre une certaine ressemblance avec Michael Lonsdale .
Les « Coches parisiens »
L’homme à la minerve (il était tout à l’heure rue du Vieux-Colombier , il est maintenant rue Bonaparte )
Précédé de 91 motards, le mikado passe dans une rolls-royce vert-pomme
Cityrama: une Japonaise absorbée dans ses écouteurs
J’entends « il est trois heures et quart »
Un homme en imperméable fait de grands gestes
Des Japonais dans un car
Les cloches de Saint-Sulpice se mettent à sonner (ce serait, entends-je, un baptême)
Les oiseaux font un tour de place
Les deux aubergines de la veille repassent elles semblent soucieuses, aujourd’hui.
Légère animation dans le café, dans la rue.
Un homme qui vient d’acheter un paquet de Winston et un paquet de Gitanes déchire l’enveloppe de cristal (cellophane) du paquet de Winston .
Léger changement de luminosité
Des Japonais dans un car ; ils n’ont pas d’écouteurs ; l’hôtesse est japonaise
Tous les pigeons se posent sur le terre-plein.
Les feux passent au rouge (cela leur arrive souvent)
Des scouts (ce sont les mêmes) repassent devant l’église
Une deux-chevaux vert-pomme immatriculée dans l’Eure-et-Loir (28)
Un car . Des Japonais.
Rassemblement de quelques individus devant Saint-Sulpice. J’entrevois en haut des marches un homme qui balaie (est-ce le bedeau?). Je sais qu’il va y avoir un mariage (par deux consommateurs qui viennent de partir pour, justement, y assister).
Une petite fille, encadrée par ses parents (ou par ses kidnappeurs) pleure.
Un car (Globus) aux trois quarts vide
Passe une dame qui vient d’acheter un bougeoir moche
Passe un petit car Club Reisen Keller
Car. Japonais.
J’ai froid. Je commande un marc
Passe une voiture dont le capot est couvert de feuilles mortes
Passe un motocycliste poussant une Yamaha 125 rouge toute neuve
Passe pour la énième fois l’auto-école 79 rue de Rennes
Passe une petite fille avec une baudruche bleue
Passe pour la deuxième fois une aubergine en pantalons
Esquisses d’embouteillages dans rue Bonaparte
Tout plein de gens, tout plein de bagnoles
Passe un homme qui mange un gâteau (la renommée des pâtisseries du quartier n’est plus à faire)
Un car : Paris-Sud autocars : sont-ce des touristes ?
Les cloches de Saint-Sulpice se mettent à sonner, peut-être pour le mariage. Les grandes portes de l’église sont ouvertes.
Car Paris-Vision
Entrée dans l’église du cortège nuptial
Embouteillages dans la rue du Vieux-Colombier
Les autobus piétinent sur la. place Quatrième passage du lointain sosie de Michel Mohrt
Lointain vol de pigeons.
Une cape violette, une deux-chevaux rouge , un cycliste.
Les cloches de Saint-Sulpice cessent de résonner Au loin, deux hommes courent.
Un car de police freine pile : la force d’inertie fait se fermer la portière latérale, qu’une main rouvre et fixe.
Le café est plein.
Passe un car bondé, mais pas de Japonais.
La lumière commence à décroître, même si cela est encore à peine sensible ; le rouge des feux de
circulation est davantage visible.
Des lumières s’allument dans le café.
Deux cars, Cityrama et Paris-Vision n’arrivent pas à se dépétrer l’un de l’autre. Le Cityrama finit par prendre la rue Bonaparte , le Paris-Vision voudrait bien prendre la rue du Vieux-Colombier . L’agent de police no 5976 (« Michael Lonsdale »), d’abord perplexe, finit par empoigner son sifflet et par intervenir, d’ailleurs efficacement.
Passe un homme qui marche le nez en l’air, suivi d’un autre homme qui regarde par terre.
Passe un homme avec une boîte de Ripolin des gens des gens des voitures
Une vieille dame avec une très belle redingote imperméable style Sherlock Holmes
La foule est compacte, presque plus d’accalmies
Une femme avec deux baguettes sous le bras
Il est quatre heures et demie.
III
8
La date 20 octobre 1974 (dimanche)
L’heure : 11 h. 30
Le lieu : Café de la Mairie
Le temps : A la pluie. Sol mouillé. Éclaircies passagères.
Pendant de longs espaces de temps, aucun autobus , aucune voiture
Sortie de la messe
La pluie se remet à tomber.
Journée nationale des personnes âgées beaucoup de gens portent sur le col de leurs manteaux ou de leurs imperméables des petits écussons de papier : cela prouve qu’ils ont déjà donné.
Passe un 63
Passe une dame portant un carton à gâteaux (image classique des sorties de messes du dimanche ici effectivement attestée)
Quelques enfants
Quelques cabas à roulettes
Une deux-chevaux dont le pare-brise s’orne d’un caducée conduite par un vieux monsieur se range au bord du trottoir ; le vieux monsieur vient chercher dans le café une vieille dame qui buvait un café en lisant « le Monde »
Passe une femme élégante tenant, tiges en haut, un grand bouquet de fleurs .
Passe un 63
Passe une petite fille qui porte deux grands sacs à provisions
Un oiseau vient se poser sur le sommet d’un
lampadaire
Il est midi
Bourrasque
Passe un 63
Passe un 96
Passe une deux-chevaux vert-pomme
La pluie devient violente . Une dame se fait un chapeau avec un sac en plastique marqué « Nicolas »
Des parapluies s’engouffrent dans l’église. Instants de vide
Passage d’un autobus 63
Genevieve Serreau passe devant le café (trop loin de moi pour que je puisse lui faire signe )
Projet d’une classification des parapluies selon leurs formes, leurs modes de fonctionnement, leurs couleurs , leurs matériaux…
D’un cabas sort quelque verdure Passe un 96
Des différences sautent aux yeux : il y a moins d’ autobus , il y a peu ou même pas de camions ou de camionnettes de livraisons, les voitures sont le plus souvent particulières ; davantage de gens semblent entrer ou sortir de Saint-Sulpice.
Davantage de différences seraient à mettre sur le compte de la pluie qui n’est pas nécessairement spécifique du dimanche.
Passe un chien qui court, queue en l’air, en reniflant le sol .
Les gestes et les mouvements sont rendus pénibles par la pluie ( porter un carton à gâteaux, traîner un cabas à roulettes, marcher en tenant un enfant par la main).
Passage d’un 63
Le parvis est quasi vide. Puis trois personnes le traversent.
Puis trois groupes de deux. Puis un seul homme qui sort de l’église .
Il pleut toujours, mais peut-être un petit peu moins fort .
Un homme soutenant une vieille dame traverse très lentement le parvis
Une voiture vert-pomme (HL ?) Un autobus 96
Une voiture grisâtre dont la portière arrière droite est bleue .
Il est midi et demi.
Au coin de l’église et de la rue Saint-Sulpice, un homme s’équipe avant de détacher son vélomoteur qu’il avait enchaîné aux barreaux d’une sorte de soupirail (c’est vraiment trop grand pour être un soupirail)
Entre temps, la pluie s’est arrêtée
Le vent chasse la pluie qui s’était accumulée sur le store du café : paquets d’eau
Des pigeons sur le terre-plein. Une volkswagen passe entre le terre-plein et le parvis. Le parvis est vide
Au loin, deux passants. Timide éclaircie .
Des cabas pleins : céleris, carottes
Des bouquets de fleurs tenues tiges en l’air
La plupart des carton à gâteaux sont de forme parallélépipédiques (tartes ?) ; rares sont les pyramidaux .
Un 63
Un sac (tunisien) sur lequel il y a écrit « SOUVENIR ».
Un 96
Je mange un sandwich au camembert.
Il est une heure moins vingt.
9
La date : 20 octobre 1974
L’heure : 13 h. 05
Le lieu : Café de la Mairie
Depuis pas mal de temps déjà (une demi-heure ?) un flic se tient debout, immobile, lisant quelque chose, sur la bordure du terre-plein, entre l’église et la fontaine , tournant le dosà l’église.
Un taxi deux vélomoteurs une Fiat une peugeot une peugeot une Fiat une voiture dont j’ignore la marque
Un homme, qui court
Eclaircie . Aucune voiture . Puis cinq. Puis une.
Des oranges dans un filet.
Michel Martens , avec un parapluie géranium
Le 63
Le 96
Une ambulance de l’assistance publique (hôpitaux de Paris)
Un rayon de soleil . Du vent . Tout au fond, une voiture jaune
Un car de police . Quelques voitures . Un car Atlas Reiser
Un homme dont le bras gauche est pris dans un plâtre
Un 63 qui s’arrête exceptionnellement an coin de la rue des Canettes pour laisser descendre un couple de gens âgés
Un taxi DS de couleur verte
Une voiture jaune (la même) émerge de la rue Saint-Sulpice et, s’engage sur la partie carrossable du parvis
Juste en face du café, il y a un arbre : une ficelle est nouée autour du tronc de l’arbre.
Tout au fond, près de la rue Férou, la voiture jaune se gare
Le parvis est absolument vide : il est une heure vingt-cinq.
L ‘ agent fait toujours les cent pas sur la bordure du terre-plein, venant parfois jusqu’au coin de la rue Saint-Sulpice ou s’éloignant presque juste devant l’ hôtel des finances .
Le 96
En ne regardant qu’un seul détail, par exemple la rue Férou, et pendant suffisamment de temps (une à deux minutes), on peut, sans aucune difficulté, s’imaginer que l’on est à Étampes ou à Bourges , ou même
quelque part à Vienne ( Autriche ) où je n’ai d’ailleurs jamais été.
Surveillé, on plutôt excité par son maître, un chien noir gambade sur le terre-plein.
Aboiements
Passe un jeune papa portant son bébé endormi sur son dos (et un parapluie à la main)
Le parvis serait vide si le flic ne l’arpentait
Le 63
Le 96
Au fond, deux garçons en anoraks rouges
Une volkswagen bleu foncé traverse le parvis (je l’ai déjà vue)
Rareté des accalmies totales : il y a toujours un passant au loin, ou une voiture qui passe
Le 96
Des touristes se photographient devant l’église
Le parvis est vide. Un car de touristes ( Peters Reisen ) , vide, le traverse
Le 63
Il est deux heures moins cinq
Les pigeons sont sur le terre-plein. Ils s’envolent tous en même temps.
Quatre enfants . Un chien . Un petit rayon de soleil . Le 96. Il est deux heures.