PLATFORM/CHIAMBARETTA Philippe Habiter l’Antropocène (2014)
PLATFORM / CHIAMBARETTA Philippe Habiter l’Antropocène (2014)
191104

Nous sommes les témoins majoritairement inconscients d’une mutation globale si profonde qu’elle apparaîtra rétrospectivement comme une explosion au ralenti, à l’image de la « slow catastrophy » du réchauffement climatique. Nos générations auront vécu entre 1950 et 2050 un tournant dont l’ampleur dépassera la seule histoire de l’humanité pour s’inscrire dans celle – beaucoup plus vaste – de la planète.

L’édification des villes se situe plus que jamais au cœur de cette histoire, non plus comme la métaphore d’un monde idéal, d’une utopie, mais bien comme le défi concret de la sauvegarde de nos conditions d’existence. Bâtir, habiter, penser le monde au XXIe siècle est devenu une question première qui demande une nouvelle vision de l’architecture. Il ne s’agit pas de fantasmer une surpuissance de celle-ci, mais de réveiller le sens d’un engagement progressiste et politique des architectes comme acteurs du fait urbain, pour en finir avec le cynisme de son instrumentalisation passive – et pour une part volontaire – par le capitalisme global et l’économie du spectacle. Notre action quotidienne ne peut plus faire l’économie d’une exploration de la situation contemporaine, d’un travail d’inventaire des mutations en cours.

La première révolution est d’ordre démographique : après des millénaires de relative stabilité, la population humaine mondiale connaît depuis 1950 un accroissement spectaculaire. Ma génération, née dans les années 1960, vivra 90 ans et sera témoin d’un triplement de la population mondiale, qui bondit de 3 milliards d’habitants en 1960 à plus de 9 milliards en 2050 1. Cette croissance démographique couplée à une urbanisation générale des modes de vie provoque une explosion urbaine dans des proportions sidérantes : les deux-tiers des constructions de 2050 n’existaient pas en 2000, et il se construit chaque jour dans le monde une superficie égale à celle de Paris intra-muros 2.

Cette urbanisation généralisée accompagne et nourrit la globalisation économique. Pour l’anthropologue Marc Augé, « urbanisation et mondialisation constituent un changement de définition de l’humanité ». Ce bouleversement est contemporain d’une troisième révolution industrielle, caractérisée par le passage d’un monde fordiste à une ère « hyper-industrielle » et l’avènement d’une économie de l’immatériel qui privilégie un modèle réticulaire fondé sur des systèmes ouverts, des modes contributifs et des formes coopératives hybrides, sujets d’étude de Stream 02. À ce nouveau capitalisme de la connaissance répond un paradigme organisationnel inédit 3: l’efficacité économique y dépend moins de la productivité des opérations que de la qualité des relations entre les acteurs, induisant un bouleversement progressif des modes de gouvernance. « modernité liquide » ou « société hypertexte »  : sociologues et anthropologues tentent depuis le début du xxie siècle de décrypter cette troisième modernité qui évolue au rythme des innovations technologiques 4.

Ces facteurs économiques stimulent une concurrence accrue entre des mégalopoles mondiales qui concentrent désormais la richesse et les talents dans un archipel supranational, au détriment des « arrière-pays  »5. Cette organisation spatio-économique définit les nouvelles frontières de la ségrégation sociale, dans un monde aux inégalités renforcées entre gagnants et perdants de l’ordre ultralibéral, un déséquilibre flagrant et croissant qui menace nos démocraties 6. Les divisions de la société prennent désormais corps dans les grandes métropoles, des villes-mondes où l’on trouve toute la diversité mais aussi tous les cloisonnements, comme l’analysait Saskia Sassen. Marc Augé prédit ainsi une humanité à trois vitesses, entre une oligarchie détenant pouvoir économique et savoir, une strate passive de consommateurs et enfin une classe des exclus de la connaissance et de la consommation 7.

Mais le fait majeur des 40 dernières années, le plus déterminant pour notre avenir, reste la mise en péril de notre environnement. Dès 1972, le rapport Meadows 8 établissait les conséquences de la grande accélération de l’activité humaine sur l’équilibre écologique de la planète (pollution, épuisement des ressources naturelles et de la biodiversité). Il aura pourtant fallu attendre le milieu des années 2000, avec la certitude du réchauffement climatique, pour sensibiliser l’opinion publique à la question écologique et en faire un enjeu politique essentiel. L’empreinte écologique de l’activité humaine 9 – concept apparu en 1992  – qui était encore inférieure aux capacités biophysiques de la planète en 1950, les excède en 2014 par un facteur de 1,5 10. Si l’humanité se développe selon les tendances et les modes de vies actuels, nous aurions besoin en 2050 de deux planètes pour subvenir à nos besoins : l’impasse est évidente. La convergence de ces mutations exige une toute nouvelle représentation, conception et administration de la terre.

La fin du projet moderne

Prendre la mesure de la portée symbolique et philosophique de ces mutations doit être la base de toute action aujourd’hui. La vision dominante et occidentale du monde, issue du monothéisme chrétien, s’effondre. Le projet de conquête de la Nature né au XVIIe siècle de la pensée rationnelle de Galilée, Bacon et Descartes, qui a conduit au développement de la science et de la technique, est en crise. Le mythe du progrès qui a inspiré les deux derniers siècles s’est décomposé en quelques décennies, nous abandonnant à une techno-science sans conscience, orpheline d’un imaginaire collectif, d’un rêve partagé. La confiance aveugle de la société en la science a laissé place à une suspicion générale, et le futur comme objet de projection imaginaire a disparu, nous laissant comme pétrifiés dans un présent permanent, un « temps historique suspendu », selon l’expression de François Hartog. Agir aujourd’hui consiste à lutter contre ce présentisme vain.

Notre relation à l’espace et au temps, matière première de l’architecture et de notre rapport au monde, se trouve largement modifié par les nouvelles technologies. Nous passons du temps euclidien classique à une nouvelle métrique : espace augmenté, polyspatialité ou chronotopie. Ce temps fragmenté et complexe est intimement lié à l’ère des immatériels, de la confiance, du care, de l’intelligence et de la créativité, c’est-à-dire le non-codifiable, qui a succédé à l’ère du matériel, à la zone réduite de la production.

La science moderne, rationnelle et quantitative, avait en effet évacué l’imaginaire et le sens au profit du fonctionnel, du planifié et de l’organisé. Or le monde contemporain marque le triomphe de l’imprévu : les raisonnements par moyenne ne sont plus pertinents lorsqu’il n’y a plus de comportement standard ; c’est le syndrome du cygne noir identifié par Nassim Taleb 11, l’apparition de l’événement inattendu et inenvisageable qui bouscule nos certitudes. La science classique avait pour méthode de diviser, simplifier, isoler, afin de réduire le complexe à du compliqué intelligible par les outils dont elle disposait. La connaissance découpait le réel en domaines étanches, les sciences humaines s’opposant aux sciences du vivant. L’interaction planétaire de millions de variables nous projette désormais dans l’ère du complexe et de l’incertain.

L’Anthropocène

De nombreux penseurs se penchent depuis quelques années sur le concept scientifique d’Anthropocène, avancé en 2000 par le prix Nobel de chimie Paul Crutzen, qui formule l’hypothèse que l’action humaine est désormais la force dominante affectant la géologie de la terre. Même si cette théorie scientifique n’a pas encore été officialisée par les stratigraphistes, le concept d’Anthropocène a le potentiel de réunir l’ensemble des changements de paradigmes et de cadres théoriques que nous venons d’évoquer.

Pour Bruno Latour, il est la preuve que « nous n’avons jamais été modernes » et que la séparation entre Nature et Société, posée comme fondement de la condition moderne, doit être abolie. Pour une bonne part de la philosophie contemporaine, la conception de la Nature comme entité pure, organique, intouchée et équilibrée, seulement menacée par l’exploitation humaine, apparaît désormais totalement obsolète. La majeure partie de la planète a été modifiée par l’homme mais ce mythe n’en perdure pas moins, le spectre d’une Nature comme contrepartie pure, verte, bonne et heureuse de notre obscène, dangereuse, grise et destructive Société hante le débat.

Il y a donc une nouvelle vision à imaginer pour dépasser cette idée de la Nature héritée des modernes. Bruno Latour suggère le développement d’une constitution dans laquelle nature et société ne seraient plus deux pôles distincts mais une même production d’états successifs. Cette activité dans le champ philosophique autour d’une nouvelle relation entre culture et nature, notamment le récent mouvement du Réalisme Spéculatif, est à rapprocher d’une tendance observable dans l’art contemporain. Pour le critique et curateur Nicolas Bourriaud, « le rapport entre le vivant et l’inerte semble constituer aujourd’hui la principale tension de la culture contemporaine. […] La grande accélération, c’est aussi ce processus de naturalisation du capitalisme : devenu organique et universel, il est la loi naturelle de l’Anthropocène ; son outil majeur est l’algorithme, sur lequel se fonde désormais l’économie mondiale 12. »

Ce constat entre en résonance avec les préoccupations d’une certaine architecture expérimentale, réunie dans l’exposition ArchiLab 2013 sous le titre Naturaliser l’architecture par Frédéric Migayrou et Marie-Ange Brayer : « La naturalisation de l’architecture consiste à aborder le concept de nature, non plus dans une opposition entre nature et artifice, mais dans une hybridation nouvelle. […] L’architecture réunit ainsi le biologique et le computationnel, opérant la fusion de systèmes naturels et synthétiques. Tous ces créateurs affirment ne plus concevoir d’objets mais “un processus afin de générer des objets”. L’architecture s’apparente, à travers le recours aux logiciels de modélisation, à un système vivant, doté d’une nature « métamorphique » marqué par la formabilité et l’adaptabilité à son environnement. […] L’enjeu n’est plus d’imiter la nature, de reproduire ses formes comme le biomorphisme, mais de la simuler à travers une approche générative 13. »

L’architecture à l’heure de l’Anthropocène

Ainsi se posent avec l’Anthropocène les bases de nouvelles pratiques architecturales. Nous avons rappelé le défi urbain considérable à venir, dont les conséquences ne pourront être abordées à terme que dans le cadre d’une forme de gouvernance mondiale. Le concept d’Anthropocène aura-t-il la puissance de sensibiliser les opinions publiques et mettre un terme au débat entre climatosceptiques et écologistes radicaux ? Il a le mérite de balayer le débat moderne/postmoderne et appelle à imaginer les fondements théoriques d’une vision de l’urbain issue d’une nouvelle alliance entre société et nature, de la dissolution des catégories modernes de sujet/objet. Cette vision invite à repenser en profondeur le rôle opératoire du concepteur, historiquement engagé dans une logique descendante d’inspiration moderniste, volontariste, uniformément prescriptive car le plus souvent (mono)-fonctionnaliste. Elle suggère au contraire une approche générative ouverte visant à établir les conditions de genèse et de croissance d’un hybride par un processus collaboratif et participatif de type ascendant. Il s’agit d’opérer en incubateur, avec les outils d’une nouvelle conception du savoir, en s’attachant à l’éthique du chercheur ou du médecin plutôt qu’à celle périmée du créateur génial et solitaire, une attitude qui apparaît dans le travail de Pierre Huyghe ou de l’architecte Alisa Andrasek par exemple. On voit à quel point les rapprochements entre sciences sociales et sciences du vivant seront nécessaires pour parvenir à élaborer une telle pensée, fondatrice d’une vision neuve de l’architecture. La révolution numérique facilite ce rapprochement en articulant les champs du savoir : des nanotechnologies à la biologie, de l’analyse des matériaux à l’architecture, il y a désormais continuité transcalaire et transdisciplinaire.

Cette conception d’un urbain métabolique nous confronte par ailleurs à la question de l’échelle d’analyse entre le bâtiment, le quartier, la métropole et le territoire. Elle implique une vision continue du bâtiment à l’urbain comme différentes échelles biologiques, de la cellule à l’organisme, sans distinction entre vivant et non vivant, comme un agencement d’êtres hybrides qui participent à l’équilibre de ce méta-organisme que serait la Terre. Il s’établit donc une relation d’ordre organique entre le bâti et la biosphère, un continuum dans un monde fait d’artefacts et d’hybrides qui ne peut plus se satisfaire d’une logique mécanique universelle. La conception métabolique appelle au contraire à l’identification de pathologies bien différentes selon leur géographie et leur histoire entre les centres-villes européens, l’étalement du sprawl des villes américaines, les villes neuves asiatiques ou les formes urbaines informelles du Sud.

Ces différences essentielles de typologie font déjà l’objet d’études, notamment par l’analyse de big data suggérant une variété de scénarios durables et posant les bases d’un urbanisme métabolique 14. La recherche devra approfondir la modélisation multidimensionnelle des territoires urbains pour affiner cette classification des pathologies et l’élaboration de remèdes spécifiques qui seront tout aussi multiples. Les urbanistes s’appuieront demain sur les informations produites en temps réel par la ville numérique et la puissance computationnelle pour réguler dans le temps les effets de leurs actions. L’architecture computationnelle, aujourd’hui encore essentiellement expérimentale, pourrait dans un futur proche entrer dans le champ de la réalité constructive de cet urbain numérique, car elle répond à une problématique scientifique réelle et que les conditions techniques se mettent en place pour la rendre possible.

Simultanément, la pression croissante sur les politiques écologiques favorisera l’émergence rapide de méthodes de conception, d’évaluation et de gestion offrant des garanties réelles ou illusoires d’objectivité. Les enjeux économiques sont tels que les grands cabinets de conseil, les grands bureaux d’études, comme les groupes de technologies développent activement ces modèles de smart cities.

Pour autant l’essor de ces visions d’inspiration néocybernétique, du smart object à la smart city, constitue une piste ambivalente, sinon préoccupante. La volonté d’un contrôle rationnel et déterministe, renforcée par les assurances, le principe de précaution, à la recherche d’une ville solvable parce que moins risquée, constitue une tentative de lutter contre l’évolution vers une société de l’incertain et de l’imprévu qu’il va pourtant falloir assumer. Les smart cities ne sont qu’un avatar de l’idéologie de maîtrise rationaliste moderne, contradictoire avec le caractère complexe, varié et mixte qu’exigent à la fois la créativité et la résilience de l’urbain. Le besoin de mixité n’est pas seulement une vue sociale mais aussi celle d’une écologie de la ville, comme le mettent en évidence les travaux de sociologues comme Saskia Sassen ou Richard Sennett 15.

À l’inverse, la notion de complexe, intrinsèque à notre époque, nous oriente vers une modélisation utilisant les données de façon indirecte par une forme d’autorégulation inspirée du modèle de l’open source, du développement par crowd design, plus proche de la philosophie originelle d’Internet et ouverte à une approche sociologique et artistique de l’informel, de l’incertain, du désir et de l’imaginaire. Que ce soit à l’échelle du bâtiment, du quartier ou de la ville, il reste cette dimension de l’imparfait, du hasard, de la différence propre à la création, qui doit clairement se retrouver dans la méthode de conception.

Il est toutefois important de revendiquer que les architectes, avec les autres acteurs d’élaboration des projets, doivent s’interroger davantage sur les fonctions, les programmes et les imaginaires avant d’aborder la forme. Cette approche plus sensible et intuitive de nos modes de vie fait déjà l’objet de recherches poussées chez les sociologues, les créateurs et différents acteurs en avance sur leur époque. Les modifications qu’apportent chaque jour les nouvelles technologies à nos rapports à l’espace et au temps sont nombreuses et difficiles à anticiper. Elles permettent d’augmenter nos expériences et usages de l’espace, d’entrer dans une hyperspatialité. L’architecture se trouvera à l’intersection de ces deux dimensions, espaces et spatialités, dans la construction d’une ville malléable 16, s’adaptant en permanence, marquée par l’événementiel et les structures temporaires. Dans cet espace urbain en évolution constante, l’usager retrouve une place centrale, par son retour sur les événements, les informations qu’il produit et dont il profite, dans un urbanisme temporaire où se croisent les systèmes urbains et les microsystèmes individuels, au point de rencontre des réseaux physiques et numériques qui permet une intensification neuve de la ville.

L’angoisse première de l’architecte face à ces mutations fondamentales est naturellement celle de la forme : comment appliquer concrètement ce changement de paradigme, quelle forme physique pour cette ville malléable, en évolution, une ville de l’incertain, au croisement des technologies à venir et d’un nouveau rapport à la biosphère  ? Nous l’avons vu, la conclusion de la nécessaire étude des conditions et mutations de notre temps nous mène à l’idée qu’il s’agit moins de changer les formes que de faire évoluer l’approche et les méthodes de l’architecture. L’heure n’est plus à l’obsession formelle, à l’architecte-star, à l’icône gratuite et à la signature égoïste ou marchande : l’architecture porte une responsabilité non pas neuve mais différente. Si la forme demeure, car le bâti conserve nécessairement sa part physique, elle résulte d’un travail collaboratif et aboutit à une plateforme, à des protocoles permettant d’adapter la construction au varié, à l’incertain ; il ne s’agit plus d’une forme planifiée ou contrôlable, mais accompagnée, jugulée dans son évolution par les capacités d’adaptabilités génératives du numérique, compris au sens ouvert et non dans sa dimension cybernétique sécuritaire. Il existe des contraintes techniques, matériaux et systèmes, liées notamment à la recherche nécessaire de performance énergétique, mais il ne faut pas se laisser aveugler par cette seule quête de performance, comme nous l’avons été par les premières formes de végétalisation, la vogue finissante du green cosmétique et du biomorphisme décoratif.

À l’instar du politique, l’architecture est indissociablement acte et symbole, et son rôle dans la mutation ontologique du passage à l’ère de l’Anthropocène est – au-delà des solutions pratiques ou techniques qu’elle apporte – de faire le récit de ce changement de paradigme, de symboliser et de mettre en scène notre place nouvelle dans la biosphère pour mieux la faire advenir collectivement. Cela prendra des formes immédiates chaque fois différentes, mais il n’est de toute façon plus question de faire style, il s’agit d’exprimer un continuum urbain/biosphère qu’une approche technique et philosophique conjointe et radicalement inédite permet enfin.(

Bibliographie

[1] Selon les projections de population de l’ONU.

[2] D’après le Commissariat général au développement durable (CGDD).

[3] Développé dans Stream2, « After Office », 2012 

[4] Voir Zygmunt Bauman et François Asher.

[5] Voir notre entretien avec Pierre Veltz, p. 43.

[6] Voir Le Capital au xxie siècle, Thomas Picketty.

[7] Voir l’anthropologue et le monde globale.

[8] Publié par le Club de Rome.

[9] Outil développé par le Global Footprint Network permettant de mesurer la pression qu’exerce l’homme sur la nature, définition du WWF Global.

[10] D’après les études du Global Footprint Network.

[11] Écrivain et philosophe, spécialisé en épistémologie des probabilités.

[12] Programme pour la biennale de Taipei d’octobre 2014, intitulé La Grande Accélération.

[13] Voir article Marie-Ange Brayer p. 161.

[14] Voir le travail de John E. Fernandez, du MIT, p. 253.

[15] Voir notre entretien p. 19.

[16] Voir Luc Gwiazdzinski p. 51.

Nous sommes les témoins majoritairement inconscients d’une mutation globale si profonde qu’elle apparaîtra rétrospectivement comme une explosion au ralenti, à l’image de la « slow catastrophy » du réchauffement climatique. Nos générations auront vécu entre 1950 et 2050 un tournant dont l’ampleur dépassera la seule histoire de l’humanité pour s’inscrire dans celle – beaucoup plus vaste – de la planète.

L’édification des villes se situe plus que jamais au cœur de cette histoire, non plus comme la métaphore d’un monde idéal, d’une utopie, mais bien comme le défi concret de la sauvegarde de nos conditions d’existence. Bâtir, habiter, penser le monde au XXIe siècle est devenu une question première qui demande une nouvelle vision de l’architecture. Il ne s’agit pas de fantasmer une surpuissance de celle-ci, mais de réveiller le sens d’un engagement progressiste et politique des architectes comme acteurs du fait urbain, pour en finir avec le cynisme de son instrumentalisation passive – et pour une part volontaire – par le capitalisme global et l’économie du spectacle. Notre action quotidienne ne peut plus faire l’économie d’une exploration de la situation contemporaine, d’un travail d’inventaire des mutations en cours.

La première révolution est d’ordre démographique : après des millénaires de relative stabilité, la population humaine mondiale connaît depuis 1950 un accroissement spectaculaire. Ma génération, née dans les années 1960, vivra 90 ans et sera témoin d’un triplement de la population mondiale, qui bondit de 3 milliards d’habitants en 1960 à plus de 9 milliards en 2050 1. Cette croissance démographique couplée à une urbanisation générale des modes de vie provoque une explosion urbaine dans des proportions sidérantes : les deux-tiers des constructions de 2050 n’existaient pas en 2000, et il se construit chaque jour dans le monde une superficie égale à celle de Paris intra-muros 2.

Cette urbanisation généralisée accompagne et nourrit la globalisation économique. Pour l’anthropologue Marc Augé, « urbanisation et mondialisation constituent un changement de définition de l’humanité ». Ce bouleversement est contemporain d’une troisième révolution industrielle, caractérisée par le passage d’un monde fordiste à une ère « hyper-industrielle » et l’avènement d’une économie de l’immatériel qui privilégie un modèle réticulaire fondé sur des systèmes ouverts, des modes contributifs et des formes coopératives hybrides, sujets d’étude de Stream 02. À ce nouveau capitalisme de la connaissance répond un paradigme organisationnel inédit 3: l’efficacité économique y dépend moins de la productivité des opérations que de la qualité des relations entre les acteurs, induisant un bouleversement progressif des modes de gouvernance. « modernité liquide » ou « société hypertexte »  : sociologues et anthropologues tentent depuis le début du xxie siècle de décrypter cette troisième modernité qui évolue au rythme des innovations technologiques 4.

Ces facteurs économiques stimulent une concurrence accrue entre des mégalopoles mondiales qui concentrent désormais la richesse et les talents dans un archipel supranational, au détriment des « arrière-pays  »5. Cette organisation spatio-économique définit les nouvelles frontières de la ségrégation sociale, dans un monde aux inégalités renforcées entre gagnants et perdants de l’ordre ultralibéral, un déséquilibre flagrant et croissant qui menace nos démocraties 6. Les divisions de la société prennent désormais corps dans les grandes métropoles, des villes-mondes où l’on trouve toute la diversité mais aussi tous les cloisonnements, comme l’analysait Saskia Sassen. Marc Augé prédit ainsi une humanité à trois vitesses, entre une oligarchie détenant pouvoir économique et savoir, une strate passive de consommateurs et enfin une classe des exclus de la connaissance et de la consommation 7.

Mais le fait majeur des 40 dernières années, le plus déterminant pour notre avenir, reste la mise en péril de notre environnement. Dès 1972, le rapport Meadows 8 établissait les conséquences de la grande accélération de l’activité humaine sur l’équilibre écologique de la planète (pollution, épuisement des ressources naturelles et de la biodiversité). Il aura pourtant fallu attendre le milieu des années 2000, avec la certitude du réchauffement climatique, pour sensibiliser l’opinion publique à la question écologique et en faire un enjeu politique essentiel. L’empreinte écologique de l’activité humaine 9 – concept apparu en 1992  – qui était encore inférieure aux capacités biophysiques de la planète en 1950, les excède en 2014 par un facteur de 1,5 10. Si l’humanité se développe selon les tendances et les modes de vies actuels, nous aurions besoin en 2050 de deux planètes pour subvenir à nos besoins : l’impasse est évidente. La convergence de ces mutations exige une toute nouvelle représentation, conception et administration de la terre.

La fin du projet moderne

Prendre la mesure de la portée symbolique et philosophique de ces mutations doit être la base de toute action aujourd’hui. La vision dominante et occidentale du monde, issue du monothéisme chrétien, s’effondre. Le projet de conquête de la Nature né au XVIIe siècle de la pensée rationnelle de Galilée, Bacon et Descartes, qui a conduit au développement de la science et de la technique, est en crise. Le mythe du progrès qui a inspiré les deux derniers siècles s’est décomposé en quelques décennies, nous abandonnant à une techno-science sans conscience, orpheline d’un imaginaire collectif, d’un rêve partagé. La confiance aveugle de la société en la science a laissé place à une suspicion générale, et le futur comme objet de projection imaginaire a disparu, nous laissant comme pétrifiés dans un présent permanent, un « temps historique suspendu », selon l’expression de François Hartog. Agir aujourd’hui consiste à lutter contre ce présentisme vain.

Notre relation à l’espace et au temps, matière première de l’architecture et de notre rapport au monde, se trouve largement modifié par les nouvelles technologies. Nous passons du temps euclidien classique à une nouvelle métrique : espace augmenté, polyspatialité ou chronotopie. Ce temps fragmenté et complexe est intimement lié à l’ère des immatériels, de la confiance, du care, de l’intelligence et de la créativité, c’est-à-dire le non-codifiable, qui a succédé à l’ère du matériel, à la zone réduite de la production.

La science moderne, rationnelle et quantitative, avait en effet évacué l’imaginaire et le sens au profit du fonctionnel, du planifié et de l’organisé. Or le monde contemporain marque le triomphe de l’imprévu : les raisonnements par moyenne ne sont plus pertinents lorsqu’il n’y a plus de comportement standard ; c’est le syndrome du cygne noir identifié par Nassim Taleb 11, l’apparition de l’événement inattendu et inenvisageable qui bouscule nos certitudes. La science classique avait pour méthode de diviser, simplifier, isoler, afin de réduire le complexe à du compliqué intelligible par les outils dont elle disposait. La connaissance découpait le réel en domaines étanches, les sciences humaines s’opposant aux sciences du vivant. L’interaction planétaire de millions de variables nous projette désormais dans l’ère du complexe et de l’incertain.

L’Anthropocène

De nombreux penseurs se penchent depuis quelques années sur le concept scientifique d’Anthropocène, avancé en 2000 par le prix Nobel de chimie Paul Crutzen, qui formule l’hypothèse que l’action humaine est désormais la force dominante affectant la géologie de la terre. Même si cette théorie scientifique n’a pas encore été officialisée par les stratigraphistes, le concept d’Anthropocène a le potentiel de réunir l’ensemble des changements de paradigmes et de cadres théoriques que nous venons d’évoquer.

Pour Bruno Latour, il est la preuve que « nous n’avons jamais été modernes » et que la séparation entre Nature et Société, posée comme fondement de la condition moderne, doit être abolie. Pour une bonne part de la philosophie contemporaine, la conception de la Nature comme entité pure, organique, intouchée et équilibrée, seulement menacée par l’exploitation humaine, apparaît désormais totalement obsolète. La majeure partie de la planète a été modifiée par l’homme mais ce mythe n’en perdure pas moins, le spectre d’une Nature comme contrepartie pure, verte, bonne et heureuse de notre obscène, dangereuse, grise et destructive Société hante le débat.

Il y a donc une nouvelle vision à imaginer pour dépasser cette idée de la Nature héritée des modernes. Bruno Latour suggère le développement d’une constitution dans laquelle nature et société ne seraient plus deux pôles distincts mais une même production d’états successifs. Cette activité dans le champ philosophique autour d’une nouvelle relation entre culture et nature, notamment le récent mouvement du Réalisme Spéculatif, est à rapprocher d’une tendance observable dans l’art contemporain. Pour le critique et curateur Nicolas Bourriaud, « le rapport entre le vivant et l’inerte semble constituer aujourd’hui la principale tension de la culture contemporaine. […] La grande accélération, c’est aussi ce processus de naturalisation du capitalisme : devenu organique et universel, il est la loi naturelle de l’Anthropocène ; son outil majeur est l’algorithme, sur lequel se fonde désormais l’économie mondiale 12. »

Ce constat entre en résonance avec les préoccupations d’une certaine architecture expérimentale, réunie dans l’exposition ArchiLab 2013 sous le titre Naturaliser l’architecture par Frédéric Migayrou et Marie-Ange Brayer : « La naturalisation de l’architecture consiste à aborder le concept de nature, non plus dans une opposition entre nature et artifice, mais dans une hybridation nouvelle. […] L’architecture réunit ainsi le biologique et le computationnel, opérant la fusion de systèmes naturels et synthétiques. Tous ces créateurs affirment ne plus concevoir d’objets mais “un processus afin de générer des objets”. L’architecture s’apparente, à travers le recours aux logiciels de modélisation, à un système vivant, doté d’une nature « métamorphique » marqué par la formabilité et l’adaptabilité à son environnement. […] L’enjeu n’est plus d’imiter la nature, de reproduire ses formes comme le biomorphisme, mais de la simuler à travers une approche générative 13. »

L’architecture à l’heure de l’Anthropocène

Ainsi se posent avec l’Anthropocène les bases de nouvelles pratiques architecturales. Nous avons rappelé le défi urbain considérable à venir, dont les conséquences ne pourront être abordées à terme que dans le cadre d’une forme de gouvernance mondiale. Le concept d’Anthropocène aura-t-il la puissance de sensibiliser les opinions publiques et mettre un terme au débat entre climatosceptiques et écologistes radicaux ? Il a le mérite de balayer le débat moderne/postmoderne et appelle à imaginer les fondements théoriques d’une vision de l’urbain issue d’une nouvelle alliance entre société et nature, de la dissolution des catégories modernes de sujet/objet. Cette vision invite à repenser en profondeur le rôle opératoire du concepteur, historiquement engagé dans une logique descendante d’inspiration moderniste, volontariste, uniformément prescriptive car le plus souvent (mono)-fonctionnaliste. Elle suggère au contraire une approche générative ouverte visant à établir les conditions de genèse et de croissance d’un hybride par un processus collaboratif et participatif de type ascendant. Il s’agit d’opérer en incubateur, avec les outils d’une nouvelle conception du savoir, en s’attachant à l’éthique du chercheur ou du médecin plutôt qu’à celle périmée du créateur génial et solitaire, une attitude qui apparaît dans le travail de Pierre Huyghe ou de l’architecte Alisa Andrasek par exemple. On voit à quel point les rapprochements entre sciences sociales et sciences du vivant seront nécessaires pour parvenir à élaborer une telle pensée, fondatrice d’une vision neuve de l’architecture. La révolution numérique facilite ce rapprochement en articulant les champs du savoir : des nanotechnologies à la biologie, de l’analyse des matériaux à l’architecture, il y a désormais continuité transcalaire et transdisciplinaire.

Cette conception d’un urbain métabolique nous confronte par ailleurs à la question de l’échelle d’analyse entre le bâtiment, le quartier, la métropole et le territoire. Elle implique une vision continue du bâtiment à l’urbain comme différentes échelles biologiques, de la cellule à l’organisme, sans distinction entre vivant et non vivant, comme un agencement d’êtres hybrides qui participent à l’équilibre de ce méta-organisme que serait la Terre. Il s’établit donc une relation d’ordre organique entre le bâti et la biosphère, un continuum dans un monde fait d’artefacts et d’hybrides qui ne peut plus se satisfaire d’une logique mécanique universelle. La conception métabolique appelle au contraire à l’identification de pathologies bien différentes selon leur géographie et leur histoire entre les centres-villes européens, l’étalement du sprawl des villes américaines, les villes neuves asiatiques ou les formes urbaines informelles du Sud.

Ces différences essentielles de typologie font déjà l’objet d’études, notamment par l’analyse de big data suggérant une variété de scénarios durables et posant les bases d’un urbanisme métabolique 14. La recherche devra approfondir la modélisation multidimensionnelle des territoires urbains pour affiner cette classification des pathologies et l’élaboration de remèdes spécifiques qui seront tout aussi multiples. Les urbanistes s’appuieront demain sur les informations produites en temps réel par la ville numérique et la puissance computationnelle pour réguler dans le temps les effets de leurs actions. L’architecture computationnelle, aujourd’hui encore essentiellement expérimentale, pourrait dans un futur proche entrer dans le champ de la réalité constructive de cet urbain numérique, car elle répond à une problématique scientifique réelle et que les conditions techniques se mettent en place pour la rendre possible.

Simultanément, la pression croissante sur les politiques écologiques favorisera l’émergence rapide de méthodes de conception, d’évaluation et de gestion offrant des garanties réelles ou illusoires d’objectivité. Les enjeux économiques sont tels que les grands cabinets de conseil, les grands bureaux d’études, comme les groupes de technologies développent activement ces modèles de smart cities.

Pour autant l’essor de ces visions d’inspiration néocybernétique, du smart object à la smart city, constitue une piste ambivalente, sinon préoccupante. La volonté d’un contrôle rationnel et déterministe, renforcée par les assurances, le principe de précaution, à la recherche d’une ville solvable parce que moins risquée, constitue une tentative de lutter contre l’évolution vers une société de l’incertain et de l’imprévu qu’il va pourtant falloir assumer. Les smart cities ne sont qu’un avatar de l’idéologie de maîtrise rationaliste moderne, contradictoire avec le caractère complexe, varié et mixte qu’exigent à la fois la créativité et la résilience de l’urbain. Le besoin de mixité n’est pas seulement une vue sociale mais aussi celle d’une écologie de la ville, comme le mettent en évidence les travaux de sociologues comme Saskia Sassen ou Richard Sennett 15.

À l’inverse, la notion de complexe, intrinsèque à notre époque, nous oriente vers une modélisation utilisant les données de façon indirecte par une forme d’autorégulation inspirée du modèle de l’open source, du développement par crowd design, plus proche de la philosophie originelle d’Internet et ouverte à une approche sociologique et artistique de l’informel, de l’incertain, du désir et de l’imaginaire. Que ce soit à l’échelle du bâtiment, du quartier ou de la ville, il reste cette dimension de l’imparfait, du hasard, de la différence propre à la création, qui doit clairement se retrouver dans la méthode de conception.

Il est toutefois important de revendiquer que les architectes, avec les autres acteurs d’élaboration des projets, doivent s’interroger davantage sur les fonctions, les programmes et les imaginaires avant d’aborder la forme. Cette approche plus sensible et intuitive de nos modes de vie fait déjà l’objet de recherches poussées chez les sociologues, les créateurs et différents acteurs en avance sur leur époque. Les modifications qu’apportent chaque jour les nouvelles technologies à nos rapports à l’espace et au temps sont nombreuses et difficiles à anticiper. Elles permettent d’augmenter nos expériences et usages de l’espace, d’entrer dans une hyperspatialité. L’architecture se trouvera à l’intersection de ces deux dimensions, espaces et spatialités, dans la construction d’une ville malléable 16, s’adaptant en permanence, marquée par l’événementiel et les structures temporaires. Dans cet espace urbain en évolution constante, l’usager retrouve une place centrale, par son retour sur les événements, les informations qu’il produit et dont il profite, dans un urbanisme temporaire où se croisent les systèmes urbains et les microsystèmes individuels, au point de rencontre des réseaux physiques et numériques qui permet une intensification neuve de la ville.

L’angoisse première de l’architecte face à ces mutations fondamentales est naturellement celle de la forme : comment appliquer concrètement ce changement de paradigme, quelle forme physique pour cette ville malléable, en évolution, une ville de l’incertain, au croisement des technologies à venir et d’un nouveau rapport à la biosphère  ? Nous l’avons vu, la conclusion de la nécessaire étude des conditions et mutations de notre temps nous mène à l’idée qu’il s’agit moins de changer les formes que de faire évoluer l’approche et les méthodes de l’architecture. L’heure n’est plus à l’obsession formelle, à l’architecte-star, à l’icône gratuite et à la signature égoïste ou marchande : l’architecture porte une responsabilité non pas neuve mais différente. Si la forme demeure, car le bâti conserve nécessairement sa part physique, elle résulte d’un travail collaboratif et aboutit à une plateforme, à des protocoles permettant d’adapter la construction au varié, à l’incertain ; il ne s’agit plus d’une forme planifiée ou contrôlable, mais accompagnée, jugulée dans son évolution par les capacités d’adaptabilités génératives du numérique, compris au sens ouvert et non dans sa dimension cybernétique sécuritaire. Il existe des contraintes techniques, matériaux et systèmes, liées notamment à la recherche nécessaire de performance énergétique, mais il ne faut pas se laisser aveugler par cette seule quête de performance, comme nous l’avons été par les premières formes de végétalisation, la vogue finissante du green cosmétique et du biomorphisme décoratif.

À l’instar du politique, l’architecture est indissociablement acte et symbole, et son rôle dans la mutation ontologique du passage à l’ère de l’Anthropocène est – au-delà des solutions pratiques ou techniques qu’elle apporte – de faire le récit de ce changement de paradigme, de symboliser et de mettre en scène notre place nouvelle dans la biosphère pour mieux la faire advenir collectivement. Cela prendra des formes immédiates chaque fois différentes, mais il n’est de toute façon plus question de faire style, il s’agit d’exprimer un continuum urbain/biosphère qu’une approche technique et philosophique conjointe et radicalement inédite permet enfin.(

Bibliographie

[1] Selon les projections de population de l’ONU.

[2] D’après le Commissariat général au développement durable (CGDD).

[3] Développé dans Stream2, « After Office », 2012 

[4] Voir Zygmunt Bauman et François Asher.

[5] Voir notre entretien avec Pierre Veltz, p. 43.

[6] Voir Le Capital au xxie siècle, Thomas Picketty.

[7] Voir l’anthropologue et le monde globale.

[8] Publié par le Club de Rome.

[9] Outil développé par le Global Footprint Network permettant de mesurer la pression qu’exerce l’homme sur la nature, définition du WWF Global.

[10] D’après les études du Global Footprint Network.

[11] Écrivain et philosophe, spécialisé en épistémologie des probabilités.

[12] Programme pour la biennale de Taipei d’octobre 2014, intitulé La Grande Accélération.

[13] Voir article Marie-Ange Brayer p. 161.

[14] Voir le travail de John E. Fernandez, du MIT, p. 253.

[15] Voir notre entretien p. 19.

[16] Voir Luc Gwiazdzinski p. 51.